André était aidé par le CPAS depuis environ un an.
Il déménage en novembre 2010 dans un autre quartier de la ville. Le dossier est transféré à l’autre antenne, et avant le transfert, l’assistant social (AS) prolonge l’aide à partir du 1er novembre 2010.
L’AS de la nouvelle antenne effectue deux visites à domicile les 22 et 30 novembre 2010 (voir les Rapports sociaux ci-dessous).
Vu les doutes sur la résidence effective («logement non investi»), le CPAS retire l’aide à partir du 1er novembre 2010. Le paiement est suspendu sans décision officielle. La notification ne sera transmise que le 18 février 2011, soit 3 mois et demi après la suspension du paiement.
En outre, le CPAS investigue sur la situation de logement des mois précédents. André ne peut fournir les reçus de loyer des trois derniers mois, parce qu’il en avait suspendu le paiement pour faire pression sur le propriétaire. Le logement était insalubre. Le Service «Salubrité» de la ville avait ordonné la mise en conformité, mais le propriétaire n’exécutait pas les travaux indispensables (tous les autres locataires étaient également en conflit avec le bailleur).
L’AS a contacté l’ancien propriétaire par téléphone. Celui-ci a déclaré qu’André avait quitté le logement trois mois plus tôt. Il sera cru sur parole !
Le CPAS décide alors qu’il y a «fraude au logement» et établit un compte de récupération de trois mois d’aide (d’août à octobre 2010). Les visites à domicile avaient pourtant été faites par l’antenne précédente et lors du transfert du dossier, l’AS avait prolongé l’aide à partir du 1er novembre 2010, ce qui indique qu’il n’y avait pas de doute sur la résidence.
André est expulsé de son nouveau logement fin janvier 2011 (sans que le propriétaire respecte la procédure légale) en raison du non-paiement du loyer consécutif au retrait du RI à partir du 1er novembre 2010.
André introduit une nouvelle demande le 1er février 2011 en qualité de SDF. Le CPAS refuse l’aide pour ces motifs :
- parce qu’il ne fournit pas la preuve qu’il a été expulsé de son logement (logement considéré par le CPAS comme fictif, raison du refus de toute aide depuis trois mois !)
- parce qu’il refuse de signer une reconnaissance de dettes pour la récupération des trois mois d’aide d’août à octobre 2010
- parce qu’il aurait déclaré vivre chez sa petite amie (ce qui est faux : il a déclaré manger de temps en temps chez sa copine et avoir une relation très occasionnelle).
Suite à cette notification, le propriétaire transmet par fax une attestation selon laquelle André a effectivement été expulsé de son logement. André transmet aussi copie d’une reconnaissance de dettes pour les trois mois de loyer impayé (novembre 2010 à janvier 2011) que le propriétaire lui avait fait signer.
André introduit une nouvelle demande le 18 mars 2011. Le CPAS refuse à nouveau pour ces motifs :
- parce qu’il a prouvé l’expulsion de son logement sur base d’une attestation manuscrite du propriétaire, manuscrite donc non fiable. L’attestation avait pourtant été transmise par fax.
- parce qu’il refuse de signer la reconnaissance de dettes pour la récupération de l’aide perçue d’août à octobre 2010 (à nouveau).
Une requête est introduite au Tribunal du Travail le 22 mars 2011
André introduit une nouvelle le demande fin mai 2011 sur nos conseils, sans attendre le résultat du recours devant le Tribunal du Travail. Il est à ce moment hébergé provisoirement et très précairement chez une connaissance.
Etant cette fois accompagné dans ses démarches, le CPAS lui accorde le RI, non sans peine malgré tout.
Une première audience au Tribunal du Travail a lieu mi-novembre 2011 (huit mois après l’introduction de la requête).
Le jugement devait être prononcé en janvier 2012.
Il ne le sera pas : suite au décès d’un des trois juges, la procédure devait reprendre à zéro. Au même moment, l’avocate a cessé d’exercer ce métier vu les conditions de salaire et de travail invivables.
Il fallait tout reprendre à zéro avec un nouvel avocat.
C’est alors que nous avons perdu le contact avec André.
Il percevait l’aide du CPAS depuis le mois de mai. Il suivait une formation.
Il était enfin rétabli dans ses droits.
Il n’ avait vraisemblablement plus la force de poursuivre la lutte pour récupérer ce que le CPAS lui avait refusé illégalement et avec une telle violence sociale.
Rapports sociaux (transcription)
22/11/10 Visite à domicile
«Une chambre à lui, le tout est commun sauf ça. Il n’y a presque rien dans la chambre ! Un lit qui n’est pas à lui, que l’intéressé va devoir vendre. Il y a quelques objets sur la cheminée, pas d’armoire ni de chaises, même la lampe du plafond ne marche pas. L’intéressé ne possède pas de nourriture, la cuisine est équipée à 100% mais l’intéressé ne cuisine pas dedans, il mange chez des amis ou chez sa copine. Pas même une biscotte ni une bouteille d’eau, pas besoin selon lui (…). L’I va de temps en temps chez sa petite amie».
Fiche de la petite amie au dossier.
22/11/10
«Difficile de croire à une résidence effective car le 13/11/2009, au rapport de permanence, l’intéressé déclare déjà avoir une adresse pour recevoir son courrier à savoir rue de…, même adresse que celle visitée ce jour ! Par ailleurs, lorsque je quitte le logement l’intéressé quitte également en même temps que moi. Le loyer est payé de main à main… donc l’intéressé ne sait pas fournir une preuve probante de paiement du loyer».
Visite à domicile le 30/11/10 avec Mme R.
«Il y a quelques éléments en plus dans le logement (sa chambre), une cannette et un paquet de petits beurres, quand même très peu d’éléments.
Au frigo, l’intéressé déclare avoir des oeufs à lui et c’est tout, dans un frigo presque vide. Vu parties communes avec une locataire, il y a très peu d’objets mais cela est d’autant plus compliqué qu’il y a une autre colocataire, alors au fond comment déterminer ce qui est à l’intéressé ? Et ce qui est à la colocataire ?
Tout comme moi, Mme R. pense que la résidence effective à l’adresse ne peut être déterminée».
CT : L’I est domicilié depuis le 8/11 à cette adresse
Bail au 1/10
Rapport contradictoire (signé par l’AS et Mr)
«Constatations effectuées ce jour, la chambre de l’intéressé est chauffée. Il y a un lit prêté par un compatriote, un matelas sous ce même lit. Un matelas à l’intéressé. La cheminée a des objets tels que : fer à repasser (sans autre équipement), un cadre, de l’encens, une paire de ciseaux ; au sol une cannette et un paquet de petit beurre. A présent l’I a un portable, une lampe de chevet et un réveil digital. L’I a une connexion internet au 15/11/10.
A ce jour l’I montre sa douche et sa salle de bains, en commun avec une autre locataire. Il y a une brosse à dents, des produits que l’I déclare à lui. L’I, par rapport à sa cuisine, (toujours en commun), le frigo est presque vide sauf mayo, margarine, pas à l’I … au frigo, l’I a des oeufs à lui, c’est tout.
L’I déclare avoir des casseroles, des assiettes et couverts, à lui. L’I montre des pâtes, des cracottes et grenadine, dans l’armoire, il déclare que c’est à lui».
CE QUE CETTE SITUATION RÉVÈLE
COMME (DYS)FONCTIONNEMENTS DU CPAS
- La suspicion a priori amène à ne retenir que les éléments qui tendent à prouver la non résidence (équipement vétuste, le fait que la personne quitte le logement en même temps que l’AS…). Les éléments probants, pourtant nombreux et consignés dans le rapport social, ne sont pas retenus (bail, domiciliation, connexion à internet, chambre chauffée).
- La suspicion à priori amène à soupçonner Monsieur A. de cohabitation avec sa «petite amie» –désignée une fois comme une copine, une autre fois comme sa «petite amie». Tout cela est parti du fait qu’il a déclaré manger parfois chez une copine lorsqu’on lui a demandé de se justifier du peu d’équipement ménager.
- Etant soupçonné de tout, il lui appartient de prouver que les allégations du CPAS sont fausses (en justice on appellerait cela «renversement de la charge de la preuve»…
- Visites à domicile intrusives (voir copie du Rapport social et du Rapport contradictoire). La méthode est proche de celle des ex-inspecteurs de l’ONEM de sinistre mémoire.
- Non respect de la vie privée : obligation de fournir des renseignements (identité, résidence, situation familiale, ressources) d’une personne avec qui il n’a jamais vécu ni été domicilié et désignée comme «sa petite amie».
- Non respect du secret professionnel : contact téléphonique avec le propriétaire précédent qui peut pourtant être considéré comme un «marchand de sommeil» et avec qui les locataires étaient en conflit.
- Obligation de fournir des preuves insensées : preuve de l’expulsion d’un logement que le CPAS a considéré fictif, et raison pour laquelle il a retiré l’aide à Monsieur A.
- «Deux poids, deux mesures» dans la prise en compte des preuves : un propriétaire est cru sur parole sur base d’un simple coup de fil quand il s’agit d’une preuve à charge, une attestation écrite faxée par un autre propriétaire est jugée non fiable parce que manuscrite quand il s’agit de preuve à décharge.
- Suspension de paiement sans notification pendant trois mois et demi.
- Obligation pour Monsieur A. que le logement soit correctement équipé en matériel (table, chaises, matériel de cuisine…) pour prouver la résidence effective –alors qu’il s’est vu refuser la prime d’installation (oralement, sans accusé de réception de la demande ni notification) qui lui aurait permis d’acheter un équipement de base.
- Outre les souffrances infligées par le CPAS à Monsieur A., ce genre de situations entraîne une débauche incroyable de temps, d’énergie et d’argent : avocat pro deo pour la défense de l’usager, avocat du CPAS, auditeurs et juges du Tribunal du Travail, services sociaux qui prennent en charge ces situations au détriment du travail social qu’ils pourraient fournir à la population qui en a besoin. Un coût social exorbitant pourtant parfaitement évitable.
Défenses individuelles
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