Le 27 novembre 2022
Monsieur Jean-Paul BONJEAN
Président du CPAS
Place Saint Jacques, 13
4000 LIEGE
Copie à :
Richard FONBONNE, Directeur général
Jean-François HUART, Directeur financier
Alix DEQUIPER, Directrice de l’aide sociale
Mmes et Mrs les Conseiller.e.s
Les conseiller.e.s membres du CSSS ont été interpellé.e.s à plusieurs reprises au cours des dernières années à propos de la pratique courante dans votre CPAS qui consiste à forcer les bénéficiaires à signer une reconnaissance de dettes avant qu’une décision de récupération soit prise.
Si la personne refuse ou conteste le montant réclamé, votre CPAS bloque le paiement aussi longtemps qu’elle n’a pas cédé. Si elle ne cède pas, et qu’elle est toujours bénéficiaire du RI ou d’une aide sociale équivalente, vous prenez une décision de retrait, généralement avec beaucoup de retard (2 à 3 mois).
Vous procédez de cette façon qu’il s’agisse d’une fraude ou prétendue telle, ou d’une erreur commise par votre CPAS.
Le plus souvent, la personne signe la reconnaissance de dettes, soit par ignorance de la procédure légale à respecter par le CPAS, soit parce que c’est la contrepartie pour pouvoir continuer à bénéficier d’un revenu. Le blocage du paiement est un moyen de contrainte efficace pour faire céder les personnes.
Cette façon de procéder est illégale, et constitue une violation des droits les plus élémentaires à la défense.
Pour rappel, cette matière est traitée par les articles 21 et 25 de la loi DIS, et par la circulaire DIS au point 6.1.3. Nous reprendrons ici les dispositions de la circulaire.
6.1.3. La décision
-
- Les règles de la procédure, telles que définies pour la prise de décisions par le CPAS en matière de droit à l’intégration sociale sous forme d’un revenu d’intégration, d’un emploi ou d’un projet individualisé d’intégration sociale, s’appliquent à la décision de récupération. (Cf Article 21 de la Loi)
Cela signifie plus précisément que:- La décision doit être mise par écrit;
- La décision doit être suffisamment motivée;
- La décision mentionne le montant récupéré ainsi que le mode de calcul;
- La décision doit être notifiée dans les huit jours sous pli recommandé ou contre accusé de réception.
- La décision doit comprendre un certain nombre d’éléments obligatoires,
sans lesquels le délai de recours ne peut commencer à courir.
Ces éléments sont: (Cf Article 21, §3 de la loi)
•La possibilité d’intenter un recours devant le tribunal compétent;
•L’adresse du tribunal compétent;
•Le délai et les modalités pour intenter un recours;
•Le contenu des articles 728 et 1017 du Code judiciaire (la représentation et la procédure de recours sont gratuites) ;
•Les références du dossier et du service et de l’assistant social qui gère
celui-ci ;
•La possibilité d’obtenir toute explication sur la décision auprès du service qui gère le dossier;
•Le fait que le recours devant le tribunal du travail n’est pas suspensif
de l’exécution de la décision;
•Le cas échéant, la périodicité du paiement.
- Les règles de la procédure, telles que définies pour la prise de décisions par le CPAS en matière de droit à l’intégration sociale sous forme d’un revenu d’intégration, d’un emploi ou d’un projet individualisé d’intégration sociale, s’appliquent à la décision de récupération. (Cf Article 21 de la Loi)
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- La décision doit être notifiée dans les huit jours sous pli recommandé ou contre accusé de réception.
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- Spécifiquement pour la récupération en cas de révision à effet rétroactif, les mentions suivantes sont également requises, sans quoi le délai de recours ne commence pas à courir : (Cf Article 25 de la Loi)
- La constatation que des montants indus ont été payés;
- Le montant total de ce qui a été payé indûment, ainsi que le mode de calcul;
- Le contenu et les références des dispositions en violation desquelles les paiements ont été effectués;
- Le délai de prescription pris en considération;
- La possibilité pour le CPAS de renoncer à la récupération des montants payés indûment et la procédure à suivre à cet effet;
- La possibilité de soumettre une proposition dûment motivée de remboursement par tranches.
- Le CPAS ne peut exécuter sa décision de récupération en cas de révision à effet rétroactif qu’après 1 mois.
Si pendant ce délai, l’intéressé demande qu’il soit renoncé à la récupération, le centre ne peut agir qu’après avoir confirmé sa décision par une nouvelle décision communiquée à l’intéressé par lettre recommandée.
Les suspensions de fait de paiement – sans notification – sont illégales au même titre que l’imposition de la signature d’une reconnaissance de dettes et de cessions en vue de la récupération avant que votre CPAS ait pris une décision et l’ait notifiée.
Les motifs légaux de suspension sont en effet clairement délimités : en cas de privation de liberté en exécution d’une décision judiciaire ; en cas d’application d’une sanction dans le cadre du non-respect des obligations liées au PIIS ou d’omission de déclaration de ressources ; en cas prolongation d’un séjour à l’étranger de plus de plus de 4 semaines.
Toutes les autres suspensions de paiement -sans décision du CSSS dans le mois- sont illégales.
De nombreux rapports d’inspection du SPP IS le rappellent aux CPAS.
A titre d’exemple, nous citerons un extrait du rapport d’inspection 2022 du CPAS de
Ramillies :
Le CPAS ne peut procéder à une suspension du paiement du RI que dans les circonstances très précises prévues par le législateur à savoir le séjour de plus de 4 semaines à l’étranger (art 38 AR 11/07/2002), l’incarcération (art 39 AR 11/07/2002) ou la sanction, dans le cadre d’un PIIS ou parce que l’usager a fait des déclarations inexactes ayant une incidence sur le montant de son RI (art 30 §1er et 2 Loi 26/05/2002).
Dans le cas où l’usager ne répond plus aux conditions du DIS en ne prouvant pas sa disponibilité à l’emploi, il conviendra de réviser le droit et prendre, le cas échéant,une décision de retrait.
Nous avons dénoncé à plusieurs reprises le fait que votre CPAS ne respecte pas la procédure légale en matière de récupération. Nous l’avons fait lors de plusieurs défenses individuelles -dans ces cas, vos conseiller.e.s au CSSS ont reçu des courriers nominatifs- mais aussi dans les Mémorandum transmis par notre association à tous les conseiller.e.s en juin 2014 et en décembre 2018.
Une situation individuelle -traitée au cours de la législature en cours 2019-2024 et qui relève donc de la responsabilité du CAS actuellement en place- est emblématique. Il s’agit de Mme A. Vos conseiller.e.s au CSSS ont tous connaissance de l’identité de cette jeune femme étant donné qu’ils ont reçu à son sujet des courriers de notre association.
Vous lui avez imposé la signature d’une reconnaissance de dettes d’un montant de 9.310 euros. Elle a refusé. Le paiement du RI auquel elle avait droit a été bloqué à partir de juillet 2020 sans qu’une décision soit prise par le CSSS et notifiée. Nous avions envoyé un premier courrier le 29.10.2020. Ce n’est que le 28.07.2021 qu’une décision officielle de récupération a été prise par vos services. Le 18.08.2021, Mme A. avait demandé à être entendue par le CSSS. Cette demande a été confirmée par un nouveau courrier de l’aDAS le 30.09.2021.
Madame a été entendue par le CSSS le 30.11.2021. Un an et demi après les faits !
Après l’avoir entendue, votre CSSS a décidé que la récupération n’avait pas lieu d’être.
Cette situation prouve à quel point les récupérations proposées par votre administration -en l’occurrence le service social- à la décision du CSSS peuvent être soumises à caution. Et donc à quel point le respect de la procédure légale est une garantie minimale en termes de droits à la défense.
Si Mme A. avait signé la reconnaissance de dettes, elle aurait pensé qu’un recours n’était pas possible en justice. Elle serait en train de vous rembourser une somme énorme dont elle ne vous était pas redevable.
Il a fallu l’accompagnement et le soutien intensif de l’aDAS auprès de Mme A. pour parvenir à ce que sa dette soit annulée. Sans cela, elle aurait démarré sa vie de jeune adulte avec une lourde charge sur les épaules. Elle a failli renoncer à ses études pour travailler en vue de rembourser cette dette. Nous sommes heureusement parvenus à l’en dissuader.
Si nous trouvons -à juste titre- important d’être parvenus à ce que sa dette soit annulée, nous considérons que ce n’est qu’une demi-victoire. En effet, Mme A. n’a pas voulu introduire une nouvelle demande étant donné l’expérience traumatisante qu’elle a vécue dans votre CPAS.
Elle reste donc sans droits.
Le cas de Mme A. n’est pas un cas isolé. Nombre de vos bénéficiaires ont signé des reconnaissances de dettes, contraint.e.s et forcé.e.s, parce que sans cela vous les auriez laissé.e.s sans aucun revenu. Le plus souvent, les personnes n’ont pas été mises au courant de leurs droits, en particulier du droit de demander à ce que votre CPAS renonce à la récupération, et de celui d’être entendu.e.s par le CSSS.
Nous espérons vivement que cette question sera mise en débat au sein de votre CSSS, mais également au sein du CAS. Elle est en effet extrêmement importante dans son principe, et dans les faits, elle entraine des conséquences toujours gravissimes pour vos usager.e.s.
Nous mettons en copie le Directeur général, garant de la légalité des actes posés par son CPAS, ainsi que le Directeur financier, qui gère les récupérations.
Soyez assuré Monsieur le Président, Mmes et Mrs les Conseiller.e.s, de notre parfaite considération.
Pour l’aDAS Liège Marylène FROIDCOEUR Jérôme GOLDYN Bernadette SCHAECK |
Pour l’aDAS Centre, |
Pour l’aDAS Bruxelles, Jean PEETERS Jean FLINKER |
L’Association de défense des allocataires sociaux ASBL
Rue du progrès, 225/1
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