Ou comment la lutte contre la fraude sociale amène à l’acharnement, à la négation des droits élémentaires

Leur histoire illustre à quel point la « lutte contre la fraude sociale » dont nos gouvernements ont fait une de leurs priorités aboutit dans les faits à la négation des droits élémentaires.

Elle montre à quel point cette lutte est impitoyable, l’acharnement n’ayant pas de limites.

Elle pose beaucoup de questions politiques à propos des liens entre le CPAS, la police et l’auditorat du Travail.

Elle interroge la responsabilité des travailleurs sociaux.

Elle met en évidence l’impérieuse nécessité d’assurer la défense des usagers des CPAS.

Ce témoignage, je l’ai écrit pour rendre compte de la vie de cette famille que j’ai rencontrée et aidée en tant que militante à l’ADAS, pour révéler les injustices qui lui ont été infligées, et donc pour – en quelque sorte – lui « rendre justice ».

Bernadette Schaeck

DÉNONCÉE PAR SA FAMILLE

« Ils feront de moi une anarchiste, mais surtout une battante, car non je ne leur donne pas raison. Mon histoire, ma vie, est telle, et avant leur merde elle était vivable, presque belle. »

Voilà ce qu’Angèle me disait dans un mail au plus fort de la tourmente.

Angèle me contacte en août 2012. Le CPAS de Charleroi lui a retiré le revenu d’intégration à partir du premier juin, suite à une sombre histoire de délation. Elle cohabiterait avec Elio, chômeur. Elle aurait, de plus, cohabité avec sa mère et profité de sa pension.

Tout cela est parti d’une dénonciation d’un membre de sa famille et du dépôt d’une plainte pour maltraitance de sa mère. L’auditorat du travail a transmis au CPAS un très volumineux dossier contenant les PV d’audition dans le cadre de la dénonciation ainsi que divers rapports de police dans le cadre d’autres contrôles divers.

Le CPAS de Charleroi lui retire le RIS à partir du 1er juin 2012 ; la sanctionne pour un an (ce qui signifie que même si le CPAS considère qu’elle réunit à nouveau toutes les conditions d’octroi, il ne lui accordera rien pendant un an) ; exige la récupération de quatre années de RIS au taux chef de famille (cela correspond à près de 44.000 €).

Angèle a quatre enfants, dont un bébé né en mai 2012.

Stupéfaction lorsqu’elle apprend la décision du CPAS. Incrédulité. Jusque-là, tout se passait à peu près bien avec le CPAS.

QUE FAIRE ALORS ?

Encaisser le coup. Puis se rendre compte très vite qu’on est dans la galère. Tenter d’assurer la survie de la famille. Solliciter la banque alimentaire de son « territoire » en vue d’obtenir un peu plus que ce à quoi on a « droit » pour une semaine. Trouver une ou deux banques alimentaires qui voudraient bien aider malgré qu’elles ne se trouvent pas sur son « territoire ». Obtenir du lait pour le bébé qui vient de naître. Des langes, aussi. Isabelle (prénom d’emprunt), responsable d’une banque alimentaire, se montre compréhensive, mais elle dispose de moins en moins de produits à distribuer à de plus en plus de personnes. Trouver les 50 euros nécessaires pour alimenter le compteur à budget. Tout cela quand on vient de se faire couper le téléphone et Internet.

CHOISIR CHAQUE JOUR A QUOI IL VA FALLOIR RENONCER.

« Et là, il y a trois jours que je n’ai plus de gaz, plus de chauffage, plus d’eau chaude. Je ne sais plus laver les enfants. En plus, il fait trop froid pour le plus petit. (…)
Je n’y arrive plus, là je suis au bout de moi- même. Et pourtant, je pense sans cesse à mes quatre loulous. Mais d’assister à leur misère, non je ne peux pas. Que nous reste-t-il ? Notre amour, mais il est bien peu pour faire face à la vie courante. On ne vit pas d’amour et d’eau fraîche. Si oui, on serait des plus heureux. Que pourrait-on encore faire pour et contre tout ça ? »

AU TRIBUNAL

Avant de prendre sa décision de retrait, sanction et récupération, le CPAS aurait dû proposer à Angèle d’être entendue par le Conseil afin qu’elle puisse se défendre. La loi l’y oblige. Il ne l’a pas fait.

Courrier, communications téléphoniques… Une date d’audition est finalement fixée.

Audition devant le Conseil : environ quinze personnes, non identifiées, font partie du « Tribunal ». Seules deux d’entre elles prendront la parole. Un Accusateur Principal (il ne se présentera pas) : « Madame, vous avez reconnu les faits. Les pièces se trouvent au dossier. ». Silence des autres, pleurs d’Angèle. Aucune pitié pour la gueuse.

Nous (ni Angèle, ni l’ADAS qui l’accompagnait dans ses démarches) n’avons pas eu accès au dossier. La juriste du CPAS, étonnée que nous le demandions, nous l’a refusé. Angèle aurait pu consulter sur place les « pièces administratives » uniquement, sans qu’il soit autrement détaillé quelles sont ces pièces et, en conséquence, celles qui seraient cachées.

Le rapport d’audition, rédigé pendant la séance, nous est présenté pour signature. Il contient tellement d’erreurs et d’imprécisions, que nous demandons plusieurs corrections. Le PV corrigé ne nous sera jamais transmis.

Le Conseil confirmera la décision de retrait, de sanction et de récupération.

Nous avons téléphoné, insisté sur l’urgence, sur la détresse, sur le fait que quatre enfants étaient en danger. Nous avons expliqué que l’aînée, adolescente victime de violence dans la cité, se trouvait dans une situation de grande détresse. Nous avons transmis le rapport d’un psychiatre. Nous avons expliqué que la famille devait déménager d’urgence pour assurer sa sécurité.

Rien n’a ébranlé la décision du CPAS.

Angèle a, sur notre conseil et avec notre soutien, réintroduit une demande de RIS et d’aide sociale au CPAS pour des frais incompressibles tels que eau, gaz, électricité. Il nous a fallu l’accompagner pour qu’elle obtienne enfin un accusé de réception de ces demandes.

MÉDIATISER OU PAS ?

Nous avons pensé médiatiser son histoire. Mais cela implique inévitablement de mettre un peu (beaucoup) de sa vie privée sur la place publique. Tomber sur un journaliste « fouille-merde » pourrait faire beaucoup plus de tort que de bien. Nous ne l’avons finalement pas fait.

Le CPAS de son côté nous avait, à propos d’une possible médiatisation des faits, déclaré : « Madame, si vous faites cela, nous serons obligés de “tout dévoiler” de la fraude. » Intimidation.

RECOURS

La suite :

Introduire un recours au Tribunal du Travail. Surtout ne pas dépasser le délai. Chercher un avocat pro deo.
Angèle se rend à cinq reprises au BAJ (Bureau d’aide juridique). Elle doit pouvoir prouver qu’elle a des revenus insuffisants. Or elle ne perçoit rien, pas même le RIS. Ne rien percevoir, ce n’est pas une preuve de revenus insuffisants, pour le BAJ.

Celui-ci lui suggère de fournir la preuve des revenus d’Elio, le chômeur dont le CPAS estime qu’il est son cohabitant-concubin. Pas vraiment une bonne idée, alors qu’elle doit précisément prouver au Tribunal qu’elle ne cohabite pas avec lui !

Finalement, un avocat pro deo est désigné. Qui se désiste. Angèle aurait, selon lui, « caché des choses » au CPAS et sa cause n’est donc pas défendable.

Retour à la case départ au BAJ (Bureau d’aide juridique). Qui désigne un nouvel avocat pro deo. Celui-ci introduit un recours, in extremis.

S’ensuit une longue bataille.

Contacter l’avocat. Se procurer le dossier du CPAS, qui compte plus de cent pages. Une bonne partie de ce dossier est composé de pro justicia transmis au CPAS par l’auditorat du travail. Des PV d’audition de celles et ceux qui ont été auditionnés par la police suite à la délation. Des PV de descentes de police bien antérieurs aux faits récents. Lire, relire, se poser et poser des questions. Déceler mille contradictions et autant d’erreurs. Cela a demandé des dizaines et des dizaines d’heures, voire des centaines ? « Un travail de fourmi », comme m’a dit une fois Angèle.

UNE PIÈCE À CHARGE

Je trouve alors, après l’introduction du recours au Tribunal du Travail, dans le volumineux dossier social, une « pièce à charge » accablante : Angèle a signé un PV de police reconnaissant qu’elle entretenait une « relation amoureuse » depuis dix ans avec Elio, et que celui-ci était le père de l’enfant à naître.

Voilà donc le fameux document dont avait fait état l’ « Accusateur Principal » lors de l’audition par le Conseil du CPAS ?

Je questionne Angèle à ce sujet. Elle ne sait pas de quoi je parle. J’insiste. Elle se souvient qu’une fois, poussée à bout par un policier qui la questionnait avec insistance sur sa vie privée, elle a, par pure provocation, désigné un des trois hommes présents dans la salle d’attente, le seul qu’elle connaissait – Elio – comme étant le père de l’enfant à naître. C’est tout.

A-t-elle signé un document reprenant les termes du pro justicia ? Non. Je lui dis que sa signature figure au bas du PV. Elle n’en a aucun souvenir. Ce dont elle se souvient, par contre, c’est que l’« entretien » avec le policier était tellement tendu qu’elle a failli se retrouver au cachot.

Pourquoi, parce qu’elle est pauvre et que ses enfants ont été placés voilà plusieurs années, un policier se sent-il autorisé à lui poser autant de questions sans objet avec la convocation ? Elle ne le supporte pas et se rebiffe.

L’école lui téléphone à deux reprises pour qu’elle vienne rechercher les enfants. Alors, elle a signé le PV, probablement sans le lire, me dit-elle.

D’AUTRES « PREUVES » ?

De quelles autres « preuves » de cohabitation le CPAS disposait-il ?

Le PV de deux descentes de police au cours desquelles Elio était présent.

Angèle n’a jamais caché au CPAS, ni à aucun service social, qu’Elio fait partie de sa vie. Ils sont amis comme les deux doigts d’une main, me dit-elle. Ils se sont de longue date entraidés dans la galère. Ils sont souvent ensemble. Chaque matin, Elio conduit les enfants à l’école. Il les aime, et les enfants l’aiment aussi. Ils l’appellent Papounet.

Papounet ! C’est bien la preuve que les enfants le considèrent comme leur père, d’après les censeurs.

Or, Elio a un logement, il paie un loyer, il en fournit la preuve.

Le CPAS dispose-t-il d’autres « preuves » de cohabitation d’Angèle avec Elio, et donc de fraude sociale ?

Elio a été un moment domicilié d’office chez Angèle, par un policier de quartier. Il avait perdu son logement. Il avait été hébergé pendant plus ou moins un mois par Angèle, puis avait retrouvé un studio. Il avait tardé à demander l’inscription à sa nouvelle adresse.

Retrouver l’historique des domiciliations, copie des baux, preuves de paiement des loyers… Croiser les dates. Reconstituer le puzzle.

Alors, y a-t-il dans le volumineux dossier, une vraie « preuve de culpabilité », enfin ?

Un rapport social ?

Lorsque l’assistante sociale débarque à l’improviste un matin de juin à 7h50, Elio est là, comme chaque matin, prêt à conduire les enfants à l’école. Elle consigne dans son rapport :

« Un homme nous ouvre la porte de plus ou moins 5 CM. Je lui lance : “Mr B. ?”. Il me répond par l’affirmative. Je me présente et lui demande si je peux voir sa compagne, Mme G. Mr ne conteste pas le fait qu’elle soit sa compagne et me signale qu’elle est en train de nourrir son enfant et donc qu’elle ne sait pas m’ouvrir. Il ajoute ensuite : “Moi je suis juste venu chercher les enfants pour aller à l’école.” Mr avait l’air de s’être levé 5 minutes plus tôt et de s’être habillé en 4ème vitesse avec les cheveux pas encore coiffés. »

Le piège de la question comprenant le terme « compagne » ! Qui ne dit mot consent, n’est-ce pas ? Même si on n’est pas encore bien réveillé et avec les cheveux pas encore coiffés, il faut être sur le qui-vive et avoir de la répartie. L’AS n’entrera pas dans la maison, elle ne verra pas Angèle qui, à ce moment-là, allaite son bébé. Elle en a vu assez : Elio est chez Angèle le matin avec les cheveux pas encore coiffés.

Le rapport « social » est, pour le CPAS, une solide pièce à conviction. L’assistante sociale, comme le policier, est assermentée. Verdict : celui que l’on sait. Retrait, sanction, récupération. La mort sociale d’une famille entière. Le service social était pourtant parfaitement au courant de l’existence d’Elio. Le rapport de visite semble être dicté par ce que l’institution attend pour se conformer au rapport de l’auditorat. Il ne se termine par aucune proposition, ce qui est pourtant obligatoire, mais par une note sibylline : « Prendre acte de la réponse transmise à l’auditorat. »

Nous n’en saurons pas plus.

Autre élément d’accusation à l’encontre d’Angélique : elle aurait hébergé sa mère pendant plusieurs années sans le déclarer au CPAS. Or la mère bénéficie d’une pension. Et en cas de cohabitation avec un parent ou un enfant, le CPAS peut tenir compte des revenus de ceux-ci. Il peut. C’est facultatif.

En réalité, la mère a résidé occasionnellement chez Angèle, en alternance avec un des frères de celle-ci. Elle n’y a jamais été domiciliée. Elle a longtemps été SDF. Elle a fait des déclarations à la police dans le cadre de l’enquête consécutive à la plainte pour maltraitance déposée par un membre de la famille.

RECHERCHER LA VÉRITÉ

Retrouver la date du renom du logement de la mère afin de prouver qu’elle n’était pas à la rue depuis 2008 comme elle l’a prétendu à la police mais bien depuis 2010. Qu’elle avait un logement à elle. Qu’elle ne pouvait donc pas être hébergée chez Angèle depuis 2008. Trouver les contradictions dans les déclarations de cette femme atteinte de troubles psychiques. Par exemple montrer qu’il était impossible qu’Angèle la cache dans le garage attenant à l’appartement lors des contrôles des services sociaux (ce que la mère avait déclaré aux policiers) puisque l’appartement se trouve aux étages d’un building. Ou encore qu’il n’était pas exact qu’Angèle lui avait confisqué sa carte bancaire puisque quand la police a débarqué, elle était en sa possession.

Lancer un appel à solidarité financière à mes connaissances un jour de déprime où je me dis que je ne parviendrai jamais à faire valoir les droits de la famille.
Solliciter l’aide d’une abbaye, en essayant malgré tout de ne pas faire profil bas : oui oui, on veut bien l’argent ; non non, on ne veut pas un encadrement social supplémentaire. Angèle est déjà quadrillée par les services sociaux. Je finis par pleurer en expliquant la situation. C’est gagné. Ils vont verser 800 € dès le lendemain, dont il faudra prouver l’utilisation à bon escient.

Angèle déménage, début janvier 2013, après des mois de bataille pour trouver un logement par l’intermédiaire d’une association carolo. Trouver des convecteurs. Trouver les moyens de déménager. Introduire une nouvelle demande au CPAS afin qu’il intervienne dans les frais de déménagement. Ce qu’il fera finalement, mais en faisant signer une reconnaissance de dettes en vue d’un remboursement ultérieur.

« Ce n’est que pour ça qu’on m’accorde les cautions et le premier loyer. Pour être au plus vite débarrassé de nous et tranquille de notre situation. »

Les services sociaux. Un seul se préoccupe vraiment du fait qu’Angèle est sans revenus, et transmet un courrier au CPAS. Aucun autre ne veut se mouiller. Un jour, le SPJ débarque à l’improviste, inspecte, ouvre le frigo. Par chance, la banque alimentaire avait donné la veille de quoi le remplir. Et l’aide financière de l’abbaye avait permis de payer les factures de gaz et d’électricité.

Que se serait-il passé si cela n’avait pas été le cas ?

La hantise d’Angèle. Sa trouille essentielle : que les enfants soient placés. La trouille essentielle des enfants, aussi. Ils l’avaient été pendant quelque temps plusieurs années auparavant.

« Les journées sont encore bien longues et chargées. Dur de tout concilier, car je crois que parfois ont me prend pour 5 personnes en une (je m’explique histoire de m’en confier, Bernadette, disons que ça me fait du bien). Voilà. Je dois être présente à une multitude de rendez-vous et d’autres qu’on va m’ajouter dont certains inutiles. Mais ils ne tiennent pas compte de ma vie de famille, ni de mon état de santé. Je dois faire face sinon les menaces douces de me faire passer pour quelqu’un qui ne sait pas assumer ses enfants fuse. »
« Je dois me lever à 5 h du mat pour tous concilier. Ben oui, car si j’ai le malheur de laisser traîner (exemple leurs restant de petit déjeuner ou autres), les services de police pourraient encore peut- être un jour débarquer et en remettre une couche comme ils l’ont si bien fait le 07/03/2012. Alors voilà, même claquée, couchée à 2 h, je suis levée à 5h, je nettoie et veille à ce que ça soit toujours Nikel au point que ça en devient une obsession je pense. »

SANCTION DU CPAS ANNULÉE

Angèle, donc, bénéficie à partir de janvier 2013 du RIS accordé par le CPAS de sa nouvelle commune de résidence.

Les plaidoiries devant le Tribunal du travail ont eu lieu mi-décembre 2013. Vous avez bien lu : un an et demi après le retrait du RIS par le CPAS de Charleroi.

La sanction est annulée, le CPAS doit verser trois mois de RIS (seulement à partir de la date d’introduction de la nouvelle demande), alors que c’est de juin à décembre 2012 qu’elle n’avait rien perçu). Le Tribunal maintient la récupération de 44.000 €.

Le CPAS s’empresse dans les jours suivants d’envoyer des factures (dettes loyer, frais de déménagement…) à Angèle en lui demandant de rembourser cette somme avant le 1er février 2014. Il la convoque pour lui faire signer un accord selon lequel les trois mois de RIS qui lui reviennent par décision du Tribunal seraient utilisés au remboursement de sa « dette ». Angèle refuse.

« Nouveau rebondissement .Vendredi je sonne à la cheffe d’antenne (…) ? Elle me dit : “Vous allez être remboursée dans quelques jours, mais c’est le contentieux qui va vous payer.” Moi heureuse. De courte durée, car ce lundi je sonne au contentieux. Là elle me dit : “Non Mme, pas de remboursement vous devez au CPAS 1 mois de loyer, 3 de caution, et 44.000 de RIS.
J’en ai par-dessus la tête, j’en peux plus qu’on se serve de moi comme d’une balle de ping-pong. Je suis à bout cette fois .Tant d’espérance encore à l’eau. Je cours après les colis. Il faut rentrer un dossier monstre pour y avoir droit. Je leur ai fait ce dossier mais ce n’est pas avant jeudi. »

NOUVEAU RECOURS

Introduire un recours en appel contre le jugement du Tribunal du travail. Trouver un avocat. Le juriste d’un service de première ligne assurera la défense.

La Cour du Travail rend son arrêt début 2016. Elle annule la récupération de près de 4 ans de RI taux chef de famille et la limite à 6 mois et demi (la durée de domiciliation d’Elio chez Angèle).

Quatre années de bataille pour en arriver là. Reconnaître que le seul « crime » commis consiste dans le fait qu’Elio a été domicilié chez Angèle pendant 6 mois. Il y avait été domicilié d’office par le policer de quartier et n’y a résidé qu’un mois. Il avait omis de faire son changement de domicile quand il a retrouvé un logement.

Angèle est surendettée. Elle jongle sans arrêt pour essayer de « contenter » un huissier puis l’autre. Une bonne partie de ses dettes est la conséquence de ce que le CPAS lui a fait endurer pendant une année. Elle rembourse chaque mois 50 € au CPAS. Elle en a pour une quinzaine d’années.

La Caisse d’allocations familiales s’y est mise aussi. Le paiement des AF pour le plus jeune enfant a été suspendu pendant 7 mois. Le supplément pour famille monoparentale a été supprimé. Six requêtes différentes ont été introduites contre la CAF. Mais l’avocate a cessé son travail, et les dossiers n’ont pas été repris par un autre avocat du cabinet. L’affaire en est restée là.

« Je lui ai dit : “On n’a plus le droit au CPAS de recevoir des gens chez soi ? Il n’est pas 7h du mat, il ne vient pas de se lever.” Il s’énervait et disait que je ne l’écoutais pas. Il disait qu’une vie sociale normale n’était pas la nôtre. Car je venais de lui dire qu’Elio vit chez une amie, il passe chez moi régulièrement la matinée ou l’après-midi. Que voulez-vous qu’il fasse d’autre, je suis la seule personne qui est là pour lui, il n’a plus rien. Je ne vais pas moi aussi le mettre dehors sous prétexte que le CPAS m’attaque de tous sens. Il m’a dit : “Vous fraudez l’État car Monsieur dort là-bas et vit chez vous la journée.”

Il m’a répondu : “Ça ne sert à rien de discuter avec vous car vous vous sentez persécutée.” Là j’étais hors de moi, je lui ai dit me sentir, non, je SUIS persecuteeeee, et ça depuis presque 2 ans .Il est parti et ne m’a rien fait signer. Il est parti TRES EN COLERE. » 

« Ce n’était pas assez la suspension des allocations majorées. Il me retire tout pour celles de N. Je suis en colère, tu ne peux pas imaginer. Le combat continue. Bien que j’aie eu un peu de répit, celui-ci reprend de plus belle. Cette affaire ne se terminera donc jamais. On allait tous bien, et à nouveau bardaf, 300 € en moins sur le mois »

ELIO

Exclu des allocations de chômage par l’ONEM à partir d’octobre 2012 pour « insuffisance de recherche active d’emploi », il sollicite le bénéfice du RIS en décembre 2012. Quatre demandes, trois refus sous des prétextes divers et injustifiés (n’avoir pas anticipé l’exclusion par l’ONEM, ne pas posséder de boîte aux lettres, absences lors de visites à l’improviste…).

Sans revenus, il se retrouve sans logement. Il est hébergé provisoirement par une amie d’Angèle.

Suite à un courrier de notre association, il sera finalement admis au bénéfice du RIS en mai 2013. Pas pour longtemps. Suite à son absence lors de deux visites à domicile à l’improviste au cours du mois, le CPAS lui retire le RIS à partir de juillet 2013.

L’amie qui l’héberge provisoirement est menacée de saisie pour les dettes d’Elio. Nouvel appel à solidarité financière auprès de mes connaissances et ami(e)s pour trouver les 300 € qui permettront in extremis d’empêcher la saisie de ses biens.

Introduire des recours au Tribunal du Travail, un pour chaque décision du CPAS. Trouver un avocat. Constituer un « dossier de pièces ». La routine, désormais…

Le jugement du Tribunal du Travail est relativement favorable. Le CPAS est condamné à lui verser plusieurs mois de RIS au taux cohabitant. Mais le jugement est insatisfaisant puisqu’Elio aurait dû percevoir le RIS depuis la date de sa première demande, et au taux isolé et non cohabitant. Mais « c’est mieux que rien ».

«  Pour Elio, oui, il va toucher à partir du 05/04. Il touchera cette semaine. Moi aussi je suis super contente et soulagée pour lui. Il recommence à mieux manger. R. [l’amie qui l’héberge provisoirement] m’a dit qu’hier, il s’était fait un repas de roi. »

Le CPAS ne cessera par la suite de trouver tous les prétextes possibles et imaginables pour lui refuser le RI. Il a laissé tomber. Depuis des années, il vit en marge, sans droits.

ÉPILOGUE

Je suis loin d’avoir tout relaté : une nouvelle domiciliation d’office d’Elio chez Angèle par l’agent de quartier de la nouvelle commune (s’opposer, déposer plainte au comité P et au ministère de l’intérieur, contester – avec succès – cette domiciliation à la commune) ; une enquête de l’ONEM et la menace de récupération des allocations de chômage auprès d’Elio (l’ONEM n’a pas suivi la position du CPAS) ; la dette d’Angèle envers le CPAS gérée par une société de recouvrement qui compte 870 € de frais d’intérêt plus 932 € de frais, ce qui fait que la dette restante de 7.400 € est passée à 9.200 € ; une menace de saisie en 2018 par cette société évitée de justesse par le versement de 150 €… Tant et tant d’autres choses encore.

« A nouveau, le déluge arrive. Elio s’est fait contrôler en venant chez moi. Et à nouveau l’agent de quartier l’a pris à parti et lui a dit que, comme il traînait à C., il mettra son domicile d’office chez moi ! Plus que ras le bol de tout ça. (…) Je ne saurai repasser par-là, je suis actuellement trop fragilisée de tout ce qu’il y a déjà eu autour de cette affaire. Dois-je finir par simplement accepter de mettre Elio chez moi pour éviter le harcèlement dont je fais l’objet ? (…) Il repartira de chez moi dès que j’aurai pu lui trouver un logement. En attendant, je pense que je n’ai plus vraiment le choix. Devant les plus hauts ma parole contre la leur, ça ne pèse pas grand-chose. Je ne veux plus perdre mon CPAS et eux ils y arriveront puisque ma parole à moi ne vaut rien. Quand ils ont décidé comme ça, ben c’est comme ça. »

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